Si le septième art peut servir de divertissement et procurer la joie à nombre d’entre nous, il peut aussi viser l’accablement le plus total, la mélancolie la plus insondable. En visionnant Blue Ruin, vous entrerez dans une obscurité absolue. Mais ces ténèbres seront aussi votre porte de sortie et vous n’aurez d’autres choix que de la suivre, comme un papillon se brûlant les ailes à la lumière…
Suite à un événement tragique survenu dix ans plus tôt, Dwight a cessé de vivre. Il n’est plus qu’une masse disloqué que la caméra suit en titubant. Son regard est vide de tout sentiment, mais cet acteur inconnu nommé Macon Blair lui donne une puissance dramatique hors normes. Et lorsque l’assassin de ses parents sort de prison, ce cadavre vivant entend un réveil sonné avec une triste mélodie. Elle a pour nom la vengeance.
La précision de Saulnier et de sa mise en scène ne laisse rien au hasard. Directeur de la photographie, le cinéaste opère des plans méticuleux servant grandement à l’esthétisme du récit. On ne nous explique rien, mais nous comprenons tout. L’ambiance sordide, le passé douloureux, un homme en plein effondrement. Malgré une ironie et un léger côté décalé pouvant nous faire esquisser un sourire entre deux scènes, Blue Ruin est profondément pessimiste par les thèmes qu’il soulève.
Cela faisait longtemps que la vengeance n’avait pas pris de telle forme au cinéma. Elle n’est ni spectaculaire, ni apaisante. Elle définit purement et simplement le mot « tragédie » dans tout ce qu’il a de plus intrinsèque. Les hommes sont contraints de s’éliminer entre eux pour assouvir une soif bestiale inexpliquée, surgissant du plus profond de leur tripes. Voilà comment fonctionne l’art cinématographique, par le pouvoir des images avant tout. Aujourd’hui, elles donnent à Blue Ruin l’allure d’un grand petit film.
Hugo Harnois.
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