« Tu me reconnais non ?! ». Première apostrophe de Tony lancée vers Georgio, qui se rencontrent pour la première fois. Avant même de commencer leur romance, les deux amants ont déjà vécu dix vies, traversé cent problèmes, éprouvé mille sentiments. Ensemble. Maïwenn retrace dix ans de cette histoire (pas) comme les autres.
Bercot (faible, puissante, éclatante) et Cassel (dominateur, ensorcelant, dangereux) livrent des prestations démesurées pour incarner l’amour jusqu’à l’épuisement. La passion, venimeuse et destructrice, inonde le cadre de la cinéaste qui filme un récit construit tel une mosaïque. Comme Polisse précédemment, l’existence s’apparente à un puzzle assemblé de pièces déchirantes d’humanité. Chacune abrite son lot de pulsions intérieures, de sentiments inavoués, de compromis destructeurs. Elles dissimulent aussi un flot de mots continu. Parler d’abord, pour recoller les morceaux. Crier ensuite, pour tenter de les défaire. Pleurer enfin, puisque les personnages n’y arrivent plus.
Mon Roi incarne le mouvement. La fuite en avant, la boucle infinie, l’éternel recommencement. Tant de voies prises pour espérer voir un jour notre foyer se reconstruire, sans jamais vraiment y croire. La réalisatrice parle du couple avec détresse et fait du cinéma comme si sa vie en dépendait. Avec démesure, aversion, mauvaise foi, exaltation. Tant d’émotions ressenties pour voir une œuvre totale germer d’un esprit habité. Celui d’une femme, intranquille mais sereine, n’ayant plus besoin de se mettre en scène pour nous raconter une histoire.
« Tu me reconnais non ?! » n’est pas seulement une invective destinée à Georgio. C’est également un message pour le public qui a lui aussi, tout de suite, les cartes en main. Que le jeu commence.
Hugo Harnois.
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