Alejandro Gonzales Iñaritu a d’abord été le roi des puzzles en créant une trilogie dramatique sur la mort et la violence, puis celui-ci a prouvé qu’il ne pouvait s’attacher qu’à un personnage, le suivre, le décortiquer, nous le faire aimer malgré toutes ses impardonnables faiblesses et, d’une certaine manière, le cinéaste réitère aujourd’hui cet exploit en présentant Riggan Thompson, ou la figure même de l’acteur raté souhaitant faire son comeback en montant une pièce de théâtre à Broadway, car tel son personnage, coincé entre ses désirs ambitieux et la triste réalité de sa situation, le réalisateur cherche à la fois la vérité, avec une oeuvre conçue comme un plan-séquence de deux heures sans interruption ni montage, tout en trichant et en opérant des coupes quasi-invisibles, mais ces-dernières n’empêchent pas le film d’évoquer une superbe chorégraphie filmique, où un ballet d’acteurs valse dans un récit tragi-comique terriblement bien écrit, mettant à mal la profession égocentrique d’interprète, courant après une gloire illusoire et superficielle, ainsi que le monde des critiques, pédant et prétentieux, devant juger ce qu’eux même ne peuvent accomplir, car il s’agit bien d’une profonde et dangereuse mise en abîme, où le cinéma filme le théâtre en passant par les dédales de couloirs étriqués, où la caméra n’a d’autre choix que de suivre de très près ces interprètes en proie à des maux intérieurs intenses, où la musique, accentuant le côté spectaculaire de ce show dramatique, met en scène un batteur aux accents jazzy, où, finalement, un mexicain prouve à l’Amérique entière qu’une manière originale et attractive de filmer peut être récompensée, et cela malgré une dernière scène métaphoriquement réussie, mais narrativement excessive, n’empêchant en rien d’affirmer que Birdman est proche du chef-d’oeuvre, et que Alejandro Gonzales Iñarritu est devenu un véritable artiste.
Hugo Harnois
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